lundi 15 septembre 2014

A THEORY OF FUN 

extraits du chapitre 8



Raph Koster 


Source : gamasutra.com

Second volet de l'ouvrage de Raph Koster, vétéran de l'industrie du jeu, qui vient s'ajouter aux premiers extraits du mois dernier. 
Comment peut-on associer les termes théorie et fun (à priori antinomiques) sans devenir schizophrène ?
C'est la prouesse que Raph a réalisé dans son ouvrage, où Il analyse avec finesse et humour les différentes sources liées au plaisir que peuvent procurer nos expériences de joueur. Une approche originale, qui a valu à son étude le surnom de K-fun (le Fun selon Koster).

Ce que les jeux ne sont pas


Jusqu'à présent, la plupart des discussions que j'ai pu avoir sur la conception de jeux et sa formalisation étaient théoriques. Or, nous trouvons rarement des simulations non figuratives dans les jeux. Même si on a tendance à s'appuyer sur les fictions pour concevoir des systèmes de jeu, les designers pratiquent leur art en s'appuyant sur le contexte réel des choses. Prenez par exemple le jeu de Dames. Théoriquement, c'est un jeu de plateau basé sur la capture et les actions forcées sur un damier. Lorsqu'on arrive à obtenir une dame, on rajoute une pointe de fiction au jeu, en superposant un pion sur la dame obtenue. Tout à coup, le jeu acquiert une connotation féodale et un contexte médiéval. Généralement, on ajoute une couronne en relief sur les dames obtenues.

On retrouve quelques similitudes dans les problèmes mathématiques scolaires. L'usage de la fiction a deux finalités : elle permet de mettre en avant le problème sous-jacent de l'exercice, et nous amène aussi à reconnaître où ce problème pourrait se cacher dans des situations concrètes.

Généralement, les jeux ont tendance à être conçus comme des devinettes. Vous ne trouverez que peu de jeux dénués de cet ingrédient. La plupart des jeux ont beaucoup de points communs avec les Échecs et Les Dames. Ils intègrent un certain niveau de manipulation, et contiennent généralement des métaphores connexes au jeu.

Alors que les allégories apportent du fun dans le jeu, les joueurs peuvent tout à fait les ignorer. Le fait de renommer une pièce ayant atteint l'autre côté du damier au jeu de Dames n'est absolument pas pertinent mathématiquement parlant.
On pourrait renommer les pions brebis et les dames loups que cela ne changerait fondamentalement rien au jeu.

De part sa nature, les jeux dans ce qu'ils nous enseignent, tendent vers ce genre de compromis. Puisqu'ils sont composés de modèles latents d'apprentissage, ils invitent les joueurs à aller au delà les modèles qu'ils représentent.


En 1976, une société nommée Exidy a marquée l'histoire du jeu vidéo. Son jeu Deathrace a été retiré de la vente en raison de controverses sur son caractère violent. Deathrace s'inspirait vaguement du film Les Seigneurs de la route sorti l'année précédente, où des bolides participants à une course devaient écraser des piétons pour marquer des points.

Death Race, 1976

D'un point de vue mécanique, Deathrace était conçu comme n'importe quel jeu impliquant de collecter des objets mouvants sur un écran. Et si vous observez ce jeu aujourd'hui, au delà de son graphisme pixelisé et de ses petites icônes représentants les piétons, vous ne seriez pas particulièrement choqué. Après tout, un nombre incalculable de jeux gores sont depuis sortis, qui rendent Deathrace plutôt pittoresque.

Je ne suis pas certain que le débat sur la violence dans les médias va pour autant disparaître. Beaucoup d'éléments prouvent que les médias ont beaucoup d'influence sur la façon dont nous agissons. Si les médias n'avaient pas autant d'impact, nous ne les utiliserions pas autant comme outil pédagogique.

Mais la réalité montre que les médias ne sont pas non plus un dispositif de contrôle de la pensée (bien sûre que non, si c'était le cas, on se comporterait tous comme les personnages de contes lus à l'école primaire).

Malgré cela, les joueurs ont toujours considéré le sujet de la violence dans les jeux avec une certaine distance. Lorsqu'ils défendent leurs jeux préférés, ils avancent souvent l'argument que : « Ce n'est qu'un jeu! ».


Les joueurs ne voient pas " qu'obtenir les services d'une prostituée puis la frapper " n'est pas éthique.
- Ndlt : voire The Hooker Exploit, dans GTA
Dans la lignée des anciens tireurs d'élite et militaires de carrière qui décrivent les FPS comme des « simulateurs de crime », cet argument n'a pas tellement d'impact.
De même que les penseurs en désaccord avec les jeux de rôles qui seraient selons eux préjudiciables pour les enfants, à grand renfort d'arguments apprêtés, n'atteignent pas plus que cela le grand public qui coïncidèrent ces théoriciens comme déconnectés de la réalité.
Mais il y a une bonne raison pour laquelle les joueurs restent dubitatifs.

Souvenez-vous que les jeux nous apprennent à lire entre les lignes. Le fait que je décrive Deathrace comme un jeu consistant à ramasser des objets mouvants dans un environnement en 2D, démontre que son aspect visuel n'a pas vraiment d'importance par rapport à ses mécaniques de base. 
Et même si vous avez plus d'éléments thématiques, vous allez aller à l'essentiel et examiner les vraies fondations du jeu. Tout comme une simple mélodie peut évoquer un contenu lyrique plus spécifique comme différents types de musiques latines peuvent rappeler la cumbia, la marinera, ou la salsa.

Écraser du piétons, tuer des gens, combattre des terroristes, et gober des points en se faisant courser par des fantômes ne sont que des paramètres, des figures libres sur lesquelles les jeux s'appuient pour nous aider à le maitriser.
Deathrace ne vous apprend pas à écraser du piéton, pas plus de Pac-Man à gober des points tout en évitant les fantômes.

On ne cherche pas à minimiser le fait que jouer à Deathrace implique de rouler sur du piéton pour le transformer en pierre tombale. C'est à coup sûre un acte répréhensible. Si ce n'est pas exactement l'idée du siècle pour un jeu, ce n'est pas non plus tout ce dont ce jeu est fait.

Apprendre à faire cette distinction est importante pour notre compréhension des jeux, et je reviendrai un peu plus tard sur ce point. Pour l'instant, on peut dire que les parties de jeux qui sont les moins bien comprises sont la portion abstraite du système formel, la portion mathématique, et la portion de fun. Et s'attaquer à un autre aspect des jeux c'est passé à côté des points clefs. A la base, les jeux ont besoin de développer ces aspects formels pour s'améliorer.
Ce n'est malheureusement pas sur ce point qu'on met l'accent. 


Les joueurs voient des bonus.
De nos jours, la feuille de route de développement consiste d'avantage à greffer une histoire sur les jeux. Mais la plupart des développeurs de jeu vidéo s'appuient sur un histoire (généralement quelconque) et ajoutent des petits obstacles tout au long de la partie. C'est un peu comme si nous exigions du joueur qu'il résolve une grille mots croisés avant de pouvoir espérer aller plus loin dans l'histoire.

Généralement, les gens ne jouent pas aux jeux pour les histoires qu'ils contiennent. Les histoires présentes dans les jeux ne sont généralement pas excitantes pour le cerveau. Pour une raison, c'est juste improbable de trouver une histoire de jeu rédigée par un véritable écrivain. Au mieux, l'écriture de l'histoire se situe à un niveau de sophistication qui pourrait émaner d'un 1er cycle universitaire.

D'autre part, étant donné que les jeux traitent généralement de pouvoir, de contrôle, et toutes autres choses assez primitives, les histoires ont tendance à s'adapter à cela. Autrement dit, elles se rapprochent de la littérature fantastique. Et ce genre de littérature est traditionnellement considérée comme assez immature. La plupart des histoires dans les jeux vidéo ont cette même finalité, celle de nommer le super-boss un « roi ». Ça ajoute un peu de matière intéressante, sans modifier le noyau du jeu.

Souvenez-vous qu'à la base, je suis écrivain, et ça me gonfle. L'histoire mériterait d'être mieux traitée que ça.

L’histoire, le décor et la toile de fond des jeux ne sont là que pour apporter de la matière au cerveau
pendant qu'il relève des défis. Parfois, avec le secret espoir que cela rendra le jeu plus original.
Les jeux ne sont pas des histoires. Mais c'est intéressant de faire la comparaison, parce que :

- Les jeux ont tendance à être une expérience d'apprentissage. Les histoires nous transmettent l'expérience de vie d'autrui.
- Les jeux sont plutôt bon pour l'objectivation. Les histoires sont bonnes pour l'empathie.
- Les jeux ont tendance à quantifier, réduire et classer les choses. Les histoires ont tendance à les brouiller, les approfondir, et créer des distinctions subtiles.
- Les jeux sont extravertis, ils impliquent les gens dans l'action. Les (bonnes) histoires sont introverties, elles créent des émotions et des pensées.

Dans tous les cas, les deux sont bons, et vous pouvez revenir dans le jeu ou l'histoire plusieurs fois, et apprendre à chaque fois quelque chose de nouveau. Mais on ne parle jamais de prendre le contrôle d'une bonne histoire.

Je ne pense pas que quiconque pourrait contester l'idée que les histoires font partie de nos meilleurs outils pédagogiques. On peut arguer sur la notion que jouer en est un autre mais à un niveau bien moins élevé. Je ne pense pas que la majorité contredira le fait que les histoires sont à un niveau artistiquement plus élevé et accomplis que celui des jeux, malgré le fait que le jeu soit probablement antérieur à l'histoire (après tout, même les animaux jouent, alors que les histoires nécessitent une certaine forme de langage).

Les histoires sont-elles supérieures? On dit souvent qu'on souhaiterait faire un jeu qui émeut les joueurs. Un exemple classique est le jeu d'aventure Planetfall, quand Floyd le robot, se sacrifie pour vous. Mais cela est totalement indépendant de la volonté du joueur, donc il ne s'agit pas d'un challenge à relever. C'est un élément ajouté au jeu mais ça n'est pas intégré dans la partie (ndlt : on parle de scène non-jouable, ou scène cinématique). Qu'est-ce que cet exemple démontre, sinon que le pic d'émotion intégré au jeu implique en fait de tricher?

Les jeux sont bien plus performants pour ajouter de l'émotion lorsque cette dernière est associée à sa maîtrise. Après tout, les histoires peuvent aussi le faire. Produire des émotions en dehors des jeux peut-être une mauvaise approche – peut-être que la bonne question est de se demander si les histoires peuvent être aussi fun que les jeux.

(ndlt : d'après l'oeuvre de James Joyce). Les histoires sont un puissant outils d'enseignement.
Mais les jeux ne sont pas des histoires


Quand on parle de fun, de plaisir, on pense en fait à une constellation de différentes émotions. Aller dîner à l'extérieur peut-être divertissant, faire un tour sur des montagnes russes peut être amusant, essayer de nouveaux vêtement peut-être agréable. Gagner une partie de ping pong peut être plaisant, voire votre rival à l'école s'étaler dans une flaque de boue peut-être jubilatoire. L'amalgame de tout ces adjectifs pour qualifier le fun en fait un terme atrocement vague.


Certaines personnes ont classifié cela différemment. Le concepteur de jeu Marc Leblanc (ndlt : voire le MDA) a défini 8 sortes de plaisir : La sensation (plaisir des sens), La fantaisie (le semblant), Le récit (le drame), Le défis (l'obstacle), la camaraderie (dans le cadre social), la découverte (l'exploration), l'expression (découverte de soi), la présentation (le passe-temps).
PaulEkman, un chercheur sur les expressions et les émotions faciales a littéralement identifié des douzaines d'émotions différentes. C'est intéressant de voire combien d'entre elles existent seulement dans certains langages et pas d'autres.
NicoleLazzaro qui a fait des études d'observation sur les gens en train de jouer, est arrivée à dégager quatre groupes d'émotions représentés parles expressions faciales des joueurs : fun difficile, fun facile, fun serieux et le fun humain.

Personnellement, ma classification ressemblerait d'avantage à celle de Lazzaro :
Fun : action de maîtriser mentalement un problème.
Appréciation esthétique : pas toujours fun, mais assurément plaisant.
Réaction viscérale : généralement une manifestation physique qui se rapporte à une maîtrise physique du problème.
Manœuvre du statut social : de toutes sortes, et intrinsèques à notre position dans la communauté.

Toutes ces choses nous font nous sentir bien lorsque nous sommes doués pour les prendre en main, mais les amalgamer toutes ensemble dans le fun les rendent vide de sens. Aussi, tout au long de ce livre, quand je parle de fun, je me réfère au premier groupe : l'action de maîtriser mentalement un problème. Souvent, les problèmes maitrisés sont esthétiques, physiques, ou sociétales, alors le fun peut se manifester dans toutes ses catégories. C'est parce que tous ces concepts sont des mécanismes de rétroaction que le cerveau nous envoi pour réaliser avec succès des tactiques de survie.


Schadenfreude est un terme allemand signifiant " joie provoquée par le malheur d'autrui ".

Les challenges physiques seuls ne sont pas fun. La sensation de triomphe quand vous pulvérisez votre propre record l'est. La course d'endurance peut être source de satisfaction, bien que vous n'ayez pas à résoudre d'énigme. Et ce n'est pas la même satisfaction lorsque vous gagnez brillamment à un match de foot grâce à la cohésion de votre équipe.

De même, les réflexes automatiques comme l'instinct de survie ne sont pas source de plaisir. Il s'agit de réflexes acquis, et le cerveau ne vous félicite que dans le contexte où vous relevez un challenge. Vous n'aurez pas de satisfaction juste en combattant, mais plutôt en réfléchissant simultanément à ce que vous faites, tout en sollicitant votre dextérité.

Tout autant, la plupart des relations sociales sont agréables. Le fait de constamment évoluer en interaction avec les autres humains est un exercice cognitif ludique. Il y a une constellation d'émotions positives qui se manifestent dans les interactions interpersonnelles. La quasi-totalité d'entre elles sont des signaux qui vous tirent vers le haut ou vous rabaissent sur l'échelle sociale. Et les plus notables incluent :

Schadenfreude qui est un sentiment de jubilation que vous ressentez lorsqu'un rival ne parvient pas à faire quelque chose. Il a une connotation péjorative.

Fiero qui est une expression de triomphe quand vous avez accompli une tâche importante. C'est un signal qui signifie aux autres que vous avez de la valeur.

Naches est le sentiment que vous obtenez lorsque quelqu'un que vous encadrez réussit. Il s'agit d'un mécanisme de rétroaction claire d'appropriation de la victoire.

Kvell correspond à l'émotion que vous ressentez lorsque quelqu'un se vante de vous avoir soutenu. C'est aussi un signal que vous êtes précieux.

Accointance est un signal d'intimité souvent relative au statu social. Prendre soin des autres est un signal social important dans les sociétés humaines. Ces interactions s'accompagnent de bons sentiments, mas ne sont pas nécessairement « fun ».

On aime aussi les expériences viscérales de toutes sortes. Elles sont souvent des défis pour nous même.
L'appréciation esthétique est la forme de plaisir la plus intéressante. Les auteurs de science-fiction appelle cela la « sensawunda » (ndlt : abréviation de Sense of Wonder, ou sens de l'émerveillement en français, qui correspond au sentiment d'éveil quand par exemple la crainte qui pourrait être provoquée par la vision infinie de l'espace se transforme en état émotionnel et intellectuel fort). Mélange de crainte, de mystère et d'harmonie, je nommerai ce sentiment émerveillement. Alors que l'appréciation esthétique comme le fun se réfère à des correspondances. La différence est que l'esthétique se base sur la reconnaissance d'archetypes, et pas sur l'assimilation de nouveaux modèles.

L’émerveillement se manifeste lorsque nous reconnaissons des modèles tout en étant surpris par ces derniers. Par exemple, c'est le moment où dans La Planète des Singes, on voit la Statue de la Liberté. C'est ce frisson qui nous parcourt à la fin du roman quand le voile est levé. C'est observer le sourire de Mona Lisa flirtrant avec des airs familiers et raccords avec ce que nous imaginons de ses pensées. C'est observer un paysage de rêves et se dire que tout va bien dans le monde.

Pourquoi un magnifique paysage nous fait cet effet? Parce qu'il répond à nos attentes et va même au delà. Nous trouvons les choses belles lorsqu'elles se rapprochent de l'image idéale de ce qu'elles devraient être, mais agrémentées d'un détail surprenant.
Un tissage parfaitement réalisé, avec juste deux fils un peu plus lâches. La photo d'une ferme dont les murs s'écaillent. Une musique qui revient sur un note tonique, balaie une mesure entière puis repart dans un demi-ton inconstant. Cela nous transmet de nouveaux modèles à assimiler.

La beauté se situe dans la tension entre nos attentes et la réalité. On la retrouve uniquement dans des réglages de combinaisons extrêmes. La nature est emplis d'éléments extrêmement ordonnés. Le parterre de fleurs qui déborde est une expression de l'ordre croissant, la façon dont les êtres vivants se développent au delà de leurs limites, même si cela crée un conflit avec l'agencement de la promenade parfaitement entretenue.

Malheureusement, l'enchantement ne dure pas. C'est comme le sourire d'une belle inconnue dans une cage d'escalier - Il est éphémère et il ne peut en être autrement- . Le bonheur n'est as un processus infini.

Vous pouvez renouveler l'enchantement en vous éloignant de l'élément qui en est la cause, puis vous en rapprocher. Vous ressentirez à nouveau ce bienfait. Mais ce n'est pas tout à fait ce que je nommerais le fun. C'est quelque chose d'autre - notre cerveau nous félicite d'avoir correctement assimilé. C'est l'épilogue de l'histoire. L'histoire elle-même est le plaisir de l'apprentissage. 




Le fun tel que je le définis, est la rétroaction que nous envoi le cerveau lorsque nous assimilons des modèles à des fins d'apprentissage. Considérons que lorsqu'une équipe de basket-ball déclare : « On est venu là pour s'amuser », est en opposition à celle qui affirme : « On est venu là pour gagner ». Cette dernière équipe a une approche du jeu plus pragmatique.

Le fun c'est avant tout la pratique et l'apprentissage, pas la maîtrise de l'exercice. La maîtrise de l'exercice va nous apporter une autre sensation, parce que nous le faisons de façon raisonnée, comme celle de s'améliorer ou de survivre.

La leçon à tirer ici est que le fun est contextuel. La raison pour laquelle on s'implique dans une activité est primordiale. L'école n'est habituellement pas fun parce que nous la prenons au sérieux - ce n'est pas pour exercer, c'est pour de vrai, et vos diplômes, votre niveau social et votre look vestimentaire déterminent si vous faîtes partie de la masse ou si vous êtes assis près de la cuisine à la cafétéria.

C'est très révélateur lorsque nous échouons à un concours de déclarer : « Et bien je l'ai juste fait pour le plaisir ». Cela signifie que nous ignorons la perte implicite associée au statu social dans l'échec. Dans la mesure ou il s'agissait simplement d'une forme de pratique, peut-être n'avons nous pas donner le meilleur de nous-même.

On obtient un retour positif lorsque nous grimpons dans l'échelle sociale. Nous sommes des singes primitifs refilant la patate chaude aux autres afin d'atteindre la cime de l'arbre. Mais notez qu'il y a certaines variantes : on grippe tout en soutenant les autres (naches et kvell). On grimpe tout en repoussant les limites de notre ignorance (fun), on grippe tout en renforçant nos relations sociales, tout en bâtissant des communautés et des familles, qui travaillent à l'unisson pour renforcer le lot de chacun (accointance, alliance et soutient d'autrui).

La façon dont les singes progressent est sacrément plaisante. En terme général chez les animaux, c'est incroyable. C'est beaucoup plus intéressant que d'être un requin qui n'a besoin que de se nourrir.

Je pense qu'il y a de bonnes raisons de considérer qu'avoir du fun est un atout clé dans l'évolution, juste après la lutte en terme d'importance. Sans cette petite mixture chimique dans notre cerveau qui nous fait apprécier l'apprentissage de nouvelles choses, on ressemblerait d'avantage à des requins ou des fourmis dans ce monde.

L'enchantement a tendance à se réduire très rapidement. Le véritable plaisir vient des challenges qui sont à la limite de nos capacités.

Alors, comment se sent-on? Eh bien, alors que beaucoup de joueurs aiment déclarer qu'ils sont « dans la zone ». Si vous cherchez à avoir une explication rationnelle de cet état, vous devriez vous référer au concept du flux de Csikszentmihalyi. C'est l'état dans lequel vous plongez lorsque vous expérimentez un état de concentration absolue sur une tâche, lorsque vous avez un contrôle total sur un challenge, c'est à dire que vous savez que vous avez les compétences pour le relever.
Lazzaro qui l'a nommé Fun difficile, est l'état à partir duquel emerge généralement la sensation de frustration ou de triomphe.

L'état de flux n’apparaît pas très souvent mais quand il se manifeste, c'est une sensation incroyablement agréable. Le souci est qu'il est extrêmement difficile de trouver l'équilibre entre les défis et la capacité à les relever. 

D'une part parce que le cerveau est extrêmement sollicité, pouvant à tout moment résoudre le challenge, rendant la tâche trivial. D'autre part, tout ce qui incarne les défis n'a pas nécessairement de sens par rapport à la compréhension que peut avoir le joueur.

Alors que nous parvenons à contrôler les signaux qui nous parviennent, notre cerveau nous envoi des petites décharges de plaisir. Mais si le débit de nouveaux signaux faiblit, alors nous ne recevrons plus de petites décharges et commencerons à ressentir de l'ennui. Et si le flux de nouveaux signaux augmentent et va au delà de notre capacité à les assimiler, alors nous n'aurons pas non plus de petites décharges parce que nous ne serons plus en train de progresser.

En général, lorsque état de flux il y a, les joueurs déclarent après coup : « C'était vraiment fun ». Lorsque l'état est plus léger, « C'était fun » avec moins d'insistance. L''absence d'état de flux n'exclue pas le plaisir - ca signifie juste qu'au lieu d'avoir du goutte-à-goutte d'endorphines, vous en avez par petites doses de façon occasionnelle. Et en fait, vous pouvez avoir un état de flux qui n'est pas fun – par exemple, la méditation induit des ondes cérébrales similaires.

Donc, le fun n'est pas un état de flux. Vous pouvez atteindre cet état dans d'innombrables activités, qui ne sont pas nécessairement fun. Dans la plupart des cas lorsque nous parlons de flux, cela se rapporte au fait de perfectionner notre maitrise, et pas de l'apprentissage.

Pour faire un récapitulatif des pages précédentes, Les jeux ne sont pas des histoires, les jeux de parlent pas de beauté ou d'émerveillement. Les jeux ne sont pas là pour manipuler notre image sociale. Ils restent, dans leurs propres droit, quelque chose d'incroyablement précieux. Le fun se rattache à l'apprentissage dans un contexte où il n'y a pas de pression, et c'est pourquoi les jeux sont si importants.

Lorsque l'équilibrage est vraiment parfait, les gens se retrouvent " dans la zone".

Cet article est un extrait de Theory of Fun for Game Design (ISBN # 1932111972). Pour plus d'informations, veuillez consulter le site thetheoryoffun.com

Traduction faites au mieux par Céline Bernardeau

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