samedi 20 décembre 2014

Ce Que Tout 

Développeur De Jeu 

Doit Savoir à Propos De 

l'Histoire 

1/2


John Sutherland

Ce mois-ci, pour approfondir l'article de Bob Bates, voici la contribution de John Sutherland qui analyse l'ouvrage de Robert Mc Kee : Story. Si on y retrouve certaines redondances, il complète efficacement la Saint Trinité de la Narration en 3 Actes pour game designer. A titre informatif, John est écrivain à Microsof Game Studios. Il a rédigé une variété d'écrits, de scripts, a travaillé comme consultant sur l'histoire de Dungeon Siege II, MechAssault 2, la série complète de Combat Flight Simulator, Mythica, et sur une douzaine d'autres jeux, édités, annulés, ou en cours de développement.
Il soutient qu'il n'y a jamais de règles absolues, mais qu'il y a de bons et de mauvais choix. Les meilleurs choix ayant tendance à maintenir le joueur dans l'univers du jeu.
Il défend également l'idée que le jeu peut raconter une histoire. Et on s'en réjouit.
Source : gamasutra.com

What every game developer needs to know about story
Crescendo, l'histoire devient un point majeur dans les jeux. C'est en partie due au niveau de la qualité qui est de plus en plus élevé dans cette jeune forme d'art. 

Alors que les jeux évoluent, les gens attendent plus de profondeur, pas juste plus de polygones affichés.

  Polycounts des personnages, Quantic Dream.

Plus précisément, les développeurs de jeux veulent vendre leurs productions à plus de gens. Les vendre à chaque fois aux mêmes personnes ne permet pas de développer une forte croissance. 


Il est clair que nous devons puiser dans quelque chose de plus universellement humain. Et l'histoire est une expérience humaine universelle.

Journey de Jenova Chen

Quelle approche avons-nous de l'histoire dans les jeux?


Et bien, pour y répondre, nous devons examiner ce qui a fonctionné dans les autres formes d'histoire, et ce qu'il y a d'unique dans la nouvelle forme d'histoire dans les jeux.

Partons du constat que tout le monde est d'accord pour dire que « Les jeux ne sont pas des films ». Mais cela ne va pas nous mener bien loin. 

Pour comprendre ce que les jeux sont, il est préférable de revenir sur un point antérieur : « Les films ne sont pas des jeux ».

Au début du XXème siècle, les films d'animation étaient une curiosité, un amusement.


Dès le départ il y a eu de nombreux accros au concept. Mais les films ne s'imposeront comme une forme d'art importante et pérenne qu'à partir du moment où ils mirent en avant 2 éléments connexes :

1 - Ils sont une forme d'histoire, pas juste une distraction.

2 - Leurs formes particulières d'histoires diffèrent de ce qui a pu être réalisé jusqu'à présent.


Interlude : logo et Making Of : Le lion de la MGM.
C'est la même chose pour les jeux.
Les premières tentatives de réalisations de films basés sur des histoires réelles ont échouées. Elles ont échouées parce qu'elles étaient conçues comme des pièces de théâtre filmées.
Une caméra était placée au milieu du public, et la pièce pouvait commencer.

Charlie Chaplin
Cela ne fonctionnait pas. Au début, les producteurs de film n'ont pas pris en compte le fait que lors d'une représentation théâtrale, l'œil humain se promenait sur les zones fixes de la scène, et que la caméra qui a moins de capacité mobile faisait perdre l'attention du public.


Puis ils ont découvert des ensembles de plans magnifiques comme les angles de caméra, les gros plans, les plans d'ensemble, et tout un langage propre au cinéma que nous avons assimilé.


La plupart du temps, ils ne saisissaient pas les atouts que cette forme particulière d'histoire apportaient.
Et franchement, nous ne l'avons pas compris non plus dans les jeux.

Perceptions erronées courantesJusqu'à présent, il y a un certain nombre de zones où nous nous trompons dans les histoires pour les jeux. La plupart des problèmes viennent de deux incompréhension de base :

L'histoire est un dialogue.
L'histoire n'a pas d'importance.

Bien sûre que l'histoire est en partie un dialogue, comme le glaçage est une partie du gâteau. Mais il y a un point essentiel que je vais aborder maintenant : 

L'histoire c'est du CONFLIT.

Le sabotage du trafic de drogue dans GTA : VC est un « incident incitant » qui précipite le protagoniste dans un monde dévissé du bocal.
Maintenant, la notion que l'histoire n'est pas importante est récurrente chez les anciens de l'industrie. « Tu n'as qu'à répéter ces 30 secondes de gameplay, et tu l'auras ". Ce que j'ai entendu. Ou pire : " Nous n'avons jamais apporté autant d'attention à l'histoire avant ".

Peut-être que cela est suffisant pour un public restreints de joueurs accros, mais la nouvelle charte de la plateforme comme l'Xbox 360 est de séduire un public de masse, et pas nécessairement des gens qui ont joué aux jeux auparavant. 

Controller Xbox personnalisé "Dishonored"
Cela signifie que si les jeux veulent toujours atteindre le même niveau d'expérience culturelle universelle que les films, il va falloir que nous décodions les mêmes problématiques que l'histoire a enseigné aux films au siècle dernier.

Un point de départ

Ok, pour faire les choses correctement, nous devons parler de l'histoire en général. Qu'est-ce qui a toujours fonctionné, et qu'est-ce qui fonctionnera dans chaque forme d'histoire, inclus les jeux?

On pourrait revenir sur les sciences poétiques d'Aristote, mais une référence plus utile est celle du scénariste d'Hollywood, Guru d'un autre temps, Robert McKee, auteur du livre Story, qui est un guide pratique de la structure en 3 Actes dans la lecture des histoires.


Certaines personnes ont des doutes par rapport à la personnalité de McKee, ou à ses rhétoriques sur la structure narrative, ou sont simplement suspicieux du nombre important de personnes qui le suivent.
Mais il y a un élément à considérer : Il a raison. Arrangez-vous avec ça.



Maintenant, je suis raisonnablement sûre que McKee n'a jamais joué à un jeu de vidéo de sa vie. Il ne le mentionne jamais dans ses travaux. Mais ce n'est pas le propos. 


Si nous voulons développer des jeux avec la même finesse qu'a développé le cinéma, il nous faudra commencer par assimiler tout ce que les films ont pu nous apprendre, et l'ouvrage Story de McKee est ce qui le résume le mieux.
Je vais ici aborder les principaux points, mais faites de la lecture de ce livre une priorité. Beaucoup de points que je vais aborder viennent de lui.

La véritable substance de l'histoire, telle que McKee l'a pointé, est le CONFLIT.

Est-ce que je vous l'ai déjà dit?

Mon Dieu. Je radote à dessein.

Si vous ne pouvez vous souvenir que d'une chose, souvenez-vous de ça : 

L'histoire, c'est du conflit.

Ce n'est pas un point trivial pour les développeurs de jeux. Cela a d'énormes répercutions sur la façon dont nous planifions nos cycles de productions, et comment l'histoire est le mieux introduit dans le jeu.
Sur un point, le conflit est une part de la structure, ce qui signifie qu'elle a besoin d'être planifiée dès le début du processus de développement.

Strucutre narrative du film Pulp Fiction
Donc, comment ces conflits fonctionnent-ils tout au long de l'histoire?
Je suis ravi que vous le demandiez.

Comment cheminent les histoires classiques


Il y a 2 bonnes raisons pour que les développeurs de jeux connaissent la structure classique de l'histoire :

C'est simple &
Ça fonctionne

Ce que je suis en train de vous dire ne va pas freiner votre créativité. A l'inverse, si vous préservez la structure basique au fond de votre poche arrière, il vous épargnera son lot de problèmes durant votre processus de créativité.

Et ce n'est pas uniquement une des théorie d'Aristote. C'est quelque chose qui a été mis en pratique par les écrivains depuis des milliers d'années. Vous pouvez considérer que cela a été complètement exploré. 

D'abord, vous avez un personnage, un héros.



Son monde est ébranlé par un incident perturbateur. (...)

Une faille s'ouvre entre le héros et sa vie rangée.


Walter apprend qu'il a un cancer. Il commence à percevoir son environnement sous un autre angle.
Le héros tente de préserver une ligne de conduite pour surmonter le traumatisme. Et ça foire. L'environnement devient de plus en plus hostile.

Le héros doit alors prendre un risque pour surmonter les obstacles qui l'assaillent.


Cuisiner de la meth pour payer sa chimiothérapie.
Puis, il y a une inversion. Quelque chose de nouveau arrive, ou bien le héros apprend quelque chose qu'il ou elle ne savait pas précédemment, et le monde est à nouveau ébranlé. Une seconde faille s'ouvre.


Le héros doit prendre de plus grands risques pour combattre ce second assaut.
Et après avoir surmonté cette seconde offensive, il y a une autre inversion, qui ouvre une troisième faille.


Le héros va alors prendre le plus grand risque de tous pour vaincre le chaos et atteindre cet objet du désir, qui est généralement une vie paisible.


Dans la forme classique en 3 Actes de l'histoire, c'est ainsi que cela se passe.
Avec d'avantages d'actes, vous avez plus d'obstacles. Mais 3 actes est le minimum, et un bon objectif pour un jeu.

Dans la structure d'une BD, la troisième faille est comblée. Dans celle d'une tragédie, la faille finale s'ouvre et reste béante.

Et les jeux sont dans leur nature, comme les BD, alors on pourra assumer qu'il est possible d'en arriver à bout.

Le personnage, et pourquoi il est important pour les jeux
Alors que nous sommes en train de parler des principes universels de l'histoire, il y a quelques points importants que nous devons aborder au sujet du personnage.
Il y a pas mal de malentendus à propos de ce qu'il doit être, ou pas.
Ce que le personnage doit porter, manger, et mener sont importants. Mais ces éléments ne font pas de lui ce qu'il est. Ce sont des caractéristiques : des trucs superficiels.

Hitman
Le Personnage est ce qu'il décide de faire. Il est au volant d'un bus scolaire en feu. 80 gamins sont pris au piège à l'intérieur, et ça va péter dans 37 secondes. 
Va t-il risquer sa vie où sauver sa peau?


C'est ce qui va définir son caractère.

Tout bonne histoire va exercer une pression sur le héros pour mettre en avant ses choix, et par conséquent sa personnalité.
Cela s'appelle le principe de l'antagonisme.

Les autres catégories de personnages doivent être conçues autour du protagoniste, parce qu'ils rentrent en conflit avec lui/elle pour établir sa personnalité.


L'univers du jeu doit être composé ( et ça en général, c'est quelque chose que les jeux font plutôt bien) pour bousculer le joueur à chaque tournant.
Alors que les jeux deviennent de plus en plus sophistiqués, leurs forces d'antagonisme vont fournir plus de choix pertinents, et votre personnage va gagné en profondeur.

L'importance des inversionsComme vous avez pu le constater dans le bref résumé de la structure classique, chaque acte s'accompagne d'une inversion. Lorsque le héros affronte une épreuve, l'inversion est ce qui va l'amener à aller de l'avant au lieu de se reposer sur ses lauriers.
Un inversion peut se produite dans l'action (quelqu'un abat un flic et tout est bouleversé) ou par une révélation (Luke Skywalker apprends que Dark Vador est vraiment son père).

Ne fais pas la grimace...
La révélation est bien plus puissante. Le truc important est de ne pas tricher.
Quand le personnage de Danny Glover dans l'Arme Fatale 2 finit par tirer à la fin du film, il déclenche une inversion dans son action. Il « révoque » l'immunité diplomatique du méchant.


Mais c'est une mauvaise inversion, parce qu'il aurait pu le faire 10 minutes plus tôt dans le film.
Évitez cela. Car votre public va déceler votre " bricolage ".

Système D.ssuie-glace
Ce qu'une bonne inversion provoque, c'est d'élargir l'univers de l'histoire. Tout ce que vous saviez était juste, mais maintenant il y a un plus, alors l'univers est de nouveau bouleversé avec l'arrivée de cette nouvelle donne.

La chose importante est d'intégrer cette conviction dans l'univers de l'histoire. Si vous parvenez à mener cet exercice deux fois, et que tout fonctionne correctement, vous allez avoir un super jeu.

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Traduction : Céline Bernardeau

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